Wednesday 12 October 2016

Meditaion in India

Cela fait une semaine maintenant que j’ai entamé une retraite de méditation en Inde. Je n’aurais pas imaginé que le temps puisse passer avec une telle lenteur. Tous les jours je fais le décompte dans ma tête: plus que 4 jours, plus que 3, plus que 2… J’ai plus d’une fois eu envie de partir, mais je suis résolue à vivre l’expérience jusqu’au bout. Je pensais au début que les premiers jours seraient les plus difficiles, mais les derniers le sont tout autant. Je supporte de moins en moins l’ennui et la monotonie du programme. La monotonie de la nourriture surtout. J’en ai marre de manger du riz et des légumes bouillis à tous les repas. Une fois on a eu du raisin en dessert. Quelle explosion de saveurs quand on croque dans un grain de raisin; ce goût sucré c’était incroyable! Je rêve de fromage, de vin et de charcuterie. J’imagine les festins que je pourrai faire quand je sortirai d’ici. J’en ai marre de me coucher tous les soirs en ayant faim.
C’est très étrange de partager la même chambre avec quelqu’un sans avoir le droit de se parler ou de communiquer même par geste. J’aurais préféré être en chambre individuelle ou en dortoir, où c’est plus anonyme, plutôt qu’en chambre de deux. De Priti, je sais juste qu’elle a 25 ans et qu’elle est étudiante. On partage à la fois une grande intimité puisqu’on vit dans la même chambre, mais on reste deux étrangères qui ne se connaissent pas du tout. J’ai l’impression de vivre avec un fantôme. On échange tout de même parfois un sourire furtif quand nos regards se croisent. J’ai de la chance, c’est une maniaque de la propreté et elle balaie la chambre trois fois par jours. De toutes manières, ce n’est pas comme si elle pouvait me reprocher de ne pas faire assez le ménage. Par contre, elle passe un temps de dingue dans la salle de bain; mais là non plus, je ne peux pas lui faire la remarque. J’ai l’impression qu’elle est souvent triste le soir. Quand elle renifle la nuit dans son lit, je ne sais pas si c’est parce qu’elle est enrhumée ou parce qu’elle pleure. Le travail sur nous-mêmes qu’on est venues faire ici avec cette retraite impose qu’on cherche en nous-mêmes les réponses aux problèmes qui peuvent survenir. Chercher à nous entraider ou nous soutenir moralement l’une l’autre nuirait à notre démarche.
J’ai de moins en moins de motivation pour les séances de méditation. J’ai l’impression d’être arrivée à saturation et de ne plus faire de progrès. Je me pose aussi des questions sur le sens de la méditation Vipassana. Tous les soirs nous avons droit à un discours télévisé d’une heure et quart du « gourou » de la méthode, S.N. Goenka. Son message, d’obédience bouddhiste, est que plaisir et souffrance sont les deux faces de la même médaille. Si on ne veut pas souffrir, il faut aussi renoncer au plaisir, et choisir la voie médiane de l’ « équanimité »: une posture de détachement et de neutralité par rapport aux sensations ressenties, qu’elles soient agréables ou désagréables. Je comprends le raisonnement théorique, mais je ne suis pas sûre d’avoir envie de l’appliquer à ma propre vie. Suis-je prête à ne plus rechercher le plaisir pour vivre une existence harmonieuse? Cette philosophie me semble finalement bien adaptée à la société indienne où la contrainte sociale est très forte et où il est difficile de satisfaire ses désirs. Mais dans notre modèle occidental? Je préfère une philosophie plus souple. Oui pour être moins dépendant de caprices futiles qui, non assouvis, entraînent frustration et ressentiment. Mais non pour renoncer au désir, au plaisir et à la passion…
Le 10ème et dernier jour est un jour de transition vers un retour à la vie normale. En fin de matinée, l’interdiction de parler est levée, et nous pouvons récupérer nos téléphones portables. Je suis impatiente de me reconnecter et me dépêche de regarder mes messages, mails et notifications sur les réseaux sociaux. Mais finalement, je me rends compte qu’il ne s’est pas passé grand-chose pendant ces 10 jours. En fait, internet ne m’a pas beaucoup manqué. Cette parenthèse de déconnexion m’a fait du bien, et je ne suis pas si pressée de revenir sur Facebook, Twitter, etc. Par contre, je dois gérer l’intérêt et la curiosité de mes compagnes de méditation indiennes qui viennent tout d’un coup me poser des tas de questions. Je rappelle que nous étions seulement deux étrangères pour une quarantaine de femmes. Avec Emily, une Australienne de mon âge, nous sommes l’objet de toutes les sollicitations. Je me prête gentiment au jeu du « selfie with you », mais ça fait une transition un peu brutale après 10 jours de silence total.
Le programme de méditation du dernier jour est allégé et j’ai l’impression tout d’un coup de me retrouver dans une colonie de vacances pour filles. Les éclats de rire et les bavardages fusent de tous les côtés. Le point fort de l’après-midi, c’est quand un petit groupe d’Indiennes décide de nous habiller en sari avec Emily. C’est la première fois que j’en mets un de ma vie. Je suis super émue de me retrouver prise en charge, habillée, coiffée par ces femmes trop contentes de pouvoir « jouer à la poupée » avec nous. Un beau moment d’échange, de partage et d’émotions après ces 10 jours de traversée du désert sur le plan affectif. Sans pouvoir communiquer entre nous, nous avons toutes vécu la même épreuve et ça créé un lien fort entre nous.
Je découvre peu à peu qui sont les femmes qui ont vécu cette retraite avec moi, de toutes générations et avec des profils très différents. Il y a un certain nombre de femmes âgées: c’est bénéfique de faire une retraite Vipassana avant de mourir pour pouvoir transmettre un esprit plus fort et plus pur à sa prochaine réincarnation. J’étais surprise au début de voir beaucoup de jeunes femmes, entre 20 et 25 ans, participer à ce genre de retraite. Mais en fait c’est assez courant en Inde. Vaishnavi, une très jolie brune de 22 ans avec qui je sympathise d’emblée me raconte qu’elle prépare des examens pour aller passer un MBA d’ingénieur aux Etats-Unis. Elle a fait cette retraite pour améliorer ses capacités de travail et de concentration. C’est la même motivation pour Priti, qui prépare des concours pour intégrer l’administration financière. Pour d’autres, entre 30 et 40 ans, c’est l’envie de faire un break, se retrouver après un divorce, trouver une nouvelle orientation professionnelle.
Photo de groupe à l’issue de la retraite de méditation
Le soir, nous recevons les consignes pour continuer le travail après cette retraite. L’objectif, c’est d’être capable de continuer à méditer deux heures par jour, une heure le matin et une heure le soir. Finalement la méditation, c’est comme le sport: ça ne sert à rien d’en faire de manière intensive pendant une période si c’est pour arrêter après. Je ne sais pas si je serai capable dans mon quotidien de trouver le temps et surtout la motivation nécessaire pour ces deux heures de méditation par jour. Ce n’est pas une perte de temps car la méditation permet de moins avoir besoin de dormir car on dort avec un sommeil de bien meilleure qualité, et permet aussi de travailler plus vite car elle améliore la concentration. Il faut juste beaucoup de discipline personnelle pour s’astreindre à garder le rythme.
Nous sommes « libérées » au matin du 11ème jour. Après 10 jours sans voir un homme, c’est amusant d’assister au défilé des maris, pères et frères qui viennent chercher leur femme, fille ou soeur. C’est l’heure de dire au-revoir à tout le monde. Vaishnavi, qui habite à Nashik, nous propose avec Priti de passer la journée ensembles avec ses amis qui sont venus la chercher. Elle veut nous faire visiter sa ville et les alentours. Nashik est une ville sainte en Inde: c’est là qu’a lieu, tous les 12 ans, la Kumb Mela, le plus grand rassemblement religieux du monde. Nous passons une super journée tous ensembles à visiter les temples et faire la tournée des familles des uns et des autres. Qu’est-ce que ça fait du bien de retrouver le monde normal! Nous terminons la journée en allant boire un verre chez Sula Vineyards. Nashik est la première région viticole d’Inde et Sula est la marque de vin la plus connue. Ironie de la géographie: le domaine est situé juste derrière les palissades du centre de méditation Vipassana. Si j’avais su que j’étais si proche du plus grand domaine viticole d’Inde pendant ces 10 jours de réclusion!! J’aurais peut-être fait l’école buissonnière…
Super journée à Nashik avec Priti, Vaishnavi et ses amis après la retraite de méditation

Retraite de méditation: quel bilan?

C’est certainement la partie la plus difficile à écrire. J’écris maintenant plus d’un mois après avoir terminé cette retraite. Je pensais au début en sortir transformée, mais je n’ai pas l’impression au final d’avoir beaucoup changé. Avec le recul, c’est assez illusoire en fait de croire qu’on peut changer profondément en l’espace de 10 jours. Les premiers jours, j’arrivais à garder le rythme de méditer une heure ou deux tous les jours, mais maintenant c’est beaucoup plus rare. Je dois faire une heure ou deux par semaine environ. Après cette retraite, je suis rentrée en France et j’ai eu envie de passer par un « sas de décompression »: je suis allée passer trois semaines en solo dans un chalet à la montagne dans les Alpes au milieu de la neige et de la nature.
Un mois plus tard, j’observe tout de même des améliorations dans mon quotidien. Moi qui ai toujours eu des problèmes de sommeil, je dors beaucoup mieux. J’arrive aussi à mieux me concentrer et empêcher mon esprit de penser à dix choses en même temps. Je résiste aussi mieux aux pulsions de grignotage un peu compulsives que je pouvais avoir avant. Je suis capable de me coucher en ayant faim sans me jeter sur une tablette de chocolat ou un paquet de chips. La méditation rend effectivement plus fort pour résister aux caprices que mettent sans arrêt sous notre nez notre société d’hyper-consommation. Je donne aussi beaucoup moins d’importance aux petits désagréments du quotidien. Si mon train est en retard ou que mon métro n’arrive pas, cela ne m’affecte pas. La méditation permet de moins « sur-réagir » à des actes sans importance.
Alors au final, est-ce que ça valait le coup de s’infliger une expérience aussi pénible? Je pense que oui. En fait, c’est parce qu’elle est difficile qu’on en sort plus fort. Ca fait du bien aussi de faire l’expérience d’un mode de vie plus basique, ramené aux fonctions essentielles. Pour l’impact à plus long terme de cette retraite de méditation, j’imagine que j’y verra plus clair dans les prochains mois. Cette retraite n’est qu’une première étape; le voyage est long: c’est celui de toute une vie.

Retraite de méditation – Informations pratiques:

  • Pour suivre une retraite de 10 jours de méditation Vipassana, il faut s’inscrire sur leur site Internet. Il y a beaucoup de centres en Inde, mais aussi dans le monde entier, dont deux en France.
  • La retraite de 10 jours est gratuite en théorie. Aucun frais d’inscription n’est demandé. Ceux qui ont suivi la retraite pendant les 10 jours peuvent faire une donation en partant, ce qui permet à l’organisation de continuer à vivre et dispenser les formations.
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Si vous souhaitez en savoir plus sur la méditation Vipassana, je vous conseille la lecture de ce livre: L’art de vivre: Méditation Vipassana enseignée par S.N. Goenka, par William Hart (7,80 €).

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